Il me rassura d'un petit sourire en coin et
Il me rassura d'un petit sourire en coin
et remplit nos verres. Ce restaurant me rappelait les soirées que nous
y avions passées peu de temps auparavant, et qui me ramenaient
irrémédiablement à Nicolas et à sa présence menaçante.
Après
m'avoir intrigué, ce garçon m'avait fait peur, m'avait énervé par son
agressivité et sa maladresse. Aujourd'hui, je comprenais l'espèce
d'emprise qu'il avait eue sur moi : il savait à mon propos quelque
chose que j'ignorais. Il connaissait un élément essentiel de ma vie que
l'on m'avait caché pendant près de dix-huit ans.
Je me rappelai ses
premières tentatives d'approche, alors que j'étais encore au lycée…
cette silhouette qui semblait me poursuivre, dans le bus, à pied sur la
route, c'était lui. Et ce billet qu'il m'avait fait transmettre par le
garçon de ce café, il y avait si longtemps, et que je n'avais pas lu.
Peut-être aurais-je alors dû prendre la peine de l'écouter, peut-être
aurais-je dû essayer d'aller vers lui. Ce garçon maladroit qui tentait
de me dire quelque chose et que je fuyais… si j'avais su… si j'avais su
tout ce qui devait suivre, alors je me serais empressé d'aller vers
lui, et j'aurais lu son billet. Je me souvins des quelques mots que j'y
avais déchiffrés. Et du prénom qui y apparaissait. Celui d'Olivier.
« Laurent, ça va ? »
La main de Matthieu sur mon épaule me sortit de ma rêverie.
« Oui, oui, pardon, j'étais ailleurs… à la vôtre ! »
Nous
sortîmes tous les quatre du restaurant quelques instants plus tard.
José devait aller en discothèque avec le patron, Matthieu et moi
devions rentrer chez ses parents. Au moment de nous séparer, José me
prit légèrement à l'écart et me serra dans ses bras.
« C'est
sûrement la dernière fois qu'on se voit avant ton déménagement… prends
soin de toi. » Il m'embrassa sur la joue et je le regardai partir dans
la pénombre de la rue. Mon camarade de classe. Ses fous rires me
reviennent encore aujourd'hui dans la lumière des souvenirs du lycée.