Je rentrai chez moi dans la matinée. Matthieu et
Je rentrai chez moi dans la matinée. Matthieu et moi
avions passé une grande partie de la nuit à discuter et nous étions
endormis très tard. La perspective de mon proche départ nous soudait
avec plus de force encore et nous redoutions la séparation. Matthieu
m'avait promis qu'il viendrait me voir dès qu'il le pourrait, et
j'avais de mon côté la ferme intention de passer toutes mes vacances
avec lui.
J'arrivai et trouvai la maison déserte. Je pris une
douche pour chasser le sommeil qui engourdissait mon cerveau. Je devais
rapidement trier et ranger dans des cartons toutes les affaires de ma
chambre. Je me mis donc à la tâche et commençai de débarrasser mon
bureau. Mes livres de classe, mes cahiers et feuilles volantes, mon
agenda. Mon année de lycée, tout entière sous mes yeux. Je détachai du
mur le dessin de la caverne et le regardai longuement.
C'était
donc ça ? Ces illusions dont on m'avait bercé ? Ces silhouettes
multiples qui se mouvaient autour de moi n'étaient pas celles que je
croyais ? L'été qui s'achevait m'avait débarrassé de mes chaînes et
m'avait conduit vers la lumière de la vérité. Tout près de la flamme
qui projetait ces ombres sur le mur de ma vie. Je déchirai le dessin et
le jetai avec quelques notes de cours.
Le souvenir
d'Olivier planait sur ces papiers désordonnés. Nos baisers volés dans
les toilettes du lycée. Son corps que j'aimais étreindre, comme
j'aimais désormais étreindre celui de Matthieu.
Olivier, qui m'avait
brutalement été dérobé ce matin de lumière où j'avais disparu de ma
propre vie, sur cette route inondée de soleil. Ce soleil éblouissant et
cette peur, qui m'apparaissait aujourd'hui comme nimbée d'une blancheur
laiteuse, atténuée, effacée, noyée dans l'évanouissement qui l'avait
suivie et dont il me semblait ne m'être jamais vraiment réveillé.
Je
descendis les escaliers en courant et enfourchai mon vélo. Je traversai
les champs, pédalant à perdre haleine, pour atteindre rapidement le
village où Olivier avait habité, et où sa mère habitait peut-être
encore. À l'entrée du village, je n'eus pas un regard pour cette ferme
sordide où vivaient Nicolas et sa mère. Simplement un frisson qui me
parcourut le dos.
Essoufflé, j'appuyai mon vélo contre le mur de la
maison. Devant moi, l'allée qui menait à la porte d'entrée devant
laquelle je m'étais évanoui un an auparavant.
Le cœur battant, je sonnai à la porte.