La boucle se refermait. Je revis le lieu où
La boucle se refermait.
Je revis le
lieu où Olivier avait grandi. Sa mère m'avoua avoir mis du temps avant
d'oser vider sa chambre et en faire une pièce nouvelle. Elle était
contente de me voir, et me le dit. La sœur d'Olivier était absente. Son
père ne donnait plus signe de vie.
Je ressentis dans les propos de
cette femme usée une incommensurable lassitude. Sa fille, voilà ce qui
la poussait à tenir encore.
Nous parlâmes à peine d'Olivier, et
surtout pas de sa disparition. Je ne voulais pas savoir. Peut-être n'y
avait-il rien à savoir.
Je repartis avec le soulagement d'avoir
accompli ce que j'aurais dû accomplir depuis longtemps déjà. Simplement
revenir ici où j'avais disparu un matin. Simplement être là et offrir
un instant de ma présence à cette femme.
Une année s'achevait, la boucle se refermait comme un ruban de Moebius.
Nous devions partir le vendredi soir pour arriver à destination le samedi à l'aube.
Le
matin, un camion de déménagement vint emporter les cartons et les
meubles. Je laissai mes parents dans la maison vide et pris mon vélo
pour retourner une dernière fois chez Matthieu.
Plusieurs fois,
alors que nous étions dans sa chambre et essayions de discuter
calmement, je ne pus m'empêcher de le serrer brusquement dans mes bras.
D'autres
fois, c'était lui qui cédait, et nos élans étaient entrecoupés de
larmes. Puis Matthieu relevait les yeux et me souriait dans ses pleurs.
Je prenais alors son visage dans mes mains et l'embrassais doucement,
tentant de sécher ses larmes alors même que les miennes ne tarissaient
pas.
La voiture était prête et attendait dans la cour. Mon père
fixa mon vélo sur le toit. Je levai les yeux vers la fenêtre de ma
chambre. Le ciel s'y reflétait. Il commençait doucement à rougir. Le
soleil allait se coucher.
Alors que nous traversions les champs,
le front appuyé contre la vitre, je regardais l'horizon et ce ciel dont
les nuages s'effilochaient dans la rougeur du soleil couchant. Ces
nuages en charpie ensanglantée, comme les derniers lambeaux de mon enfance que
l'on m'arrachait du cœur.