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Quartier proche
19 juillet 2005

Je ne revis Matthieu qu'à deux occasions,

Je ne revis Matthieu qu'à deux occasions, lorsqu'il vint me voir pendant les vacances scolaires d'automne et d'hiver. La distance était difficile à tenir, autant pour lui que pour moi. Nos retrouvailles furent précieuses, mais la séparation avait rapidement fait de l'ombre à la courte histoire que nous avions en commun, et la vie de chacun avait repris ses droits. Les appels se firent toujours plus rares, les courriers également, et Matthieu m'annonça au printemps ne pas pouvoir venir me voir. Je n'eus pas besoin d'insister pour comprendre.

Mes parents et moi avions recommencé notre vie dans cette ville nouvelle. Il me fallut plusieurs mois pour comprendre tout ce qui s'était passé avant notre départ, et saisir la portée des révélations que m'avait faites ma mère. Ce n'est que près d'une année plus tard qu'un soir, alors que j'étais resté seul à la maison avec lui, mon père s'était décidé à me parler. De tout ce qu'il avait dû encaisser, de tout ce qu'il ressentait pour moi et pour ma mère. Plus que jamais, il était et resterait mon père.

L'autre, le géniteur, Yvon, ne nous donna pas de nouvelles. Bien des années plus tard, nous apprîmes par un oncle lointain qu'il avait quitté la verrerie pour se mettre à son compte et qu'il avait échoué. Il vivait misérablement et dépensait ses maigres allocations en quelques jours à peine dans les bars de son quartier.

Le même oncle nous apprit également que Nicolas s'était marié et qu'il avait repris en main la ferme de sa mère.
Mes parents firent quelques fois le trajet pour retourner « là-haut », je refusais à chaque fois de les accompagner. J'avais réussi mon bac et avais commencé des études de droit, sans grande conviction. J'allais prendre un appartement en ville et sans être vraiment attaché à cette dernière, j'en avais fait par défaut, ou par dépit, mon seul univers, mon refuge. J'appréciais les soirées étudiantes et les sorties nocturnes, et aimais me perdre le week-end dans les vapeurs de l'alcool et la fumée des cigarettes. Je finissais souvent mes nuits seul, à danser les yeux dans le vide, au fond d'une discothèque désertée, avant qu'un serveur ne vienne me demander de partir. D'autres fois, je repartais plus tôt avec un garçon. Juste un corps à serrer.
Un matin, alors que je me réveillais chez un de ces amants de passage, dans le trouble de mon demi-sommeil, je vis un visage penché sur moi, qui me regardait en souriant. Sur ce visage m'apparurent les traits d'Olivier et de Matthieu, entremêlés.
Aujourd'hui encore, je les revois quelquefois dans un geste ou un visage inconnu, et mon cœur se serre dans un vertige sans nom, alors qu'un nuage vient obscurcir le ciel dans la lumière de l'été finissant. Et chaque année, septembre est assassin.


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Commentaires
C
Chaque fin comporte en elle le début de quelque chose d'autre. La fin est peut-être un commencement, je trouve ce concpet, épatant.
M
Merci pour ton récit, mon Farf. J'ose espérer un lire un autre bientôt.
F
Non zvezdo, je ne vous oublie pas et réfléchis à la "suite". Merci à toi très cher ! :)
Z
tu ne nous laisses pas en rade, dis ? merci pour tout:)
F
Merci Jo ! Ce n'est effectivement pas mon histoire, mais comme je l'ai déjà dit quelque part, tout ce que j'y raconte est vrai d'une manière ou d'une autre. Je me suis simplement mis "dans la peau de" et j'ai ajouté de nombreux éléments personnels... mais tout est vrai jusque dans les détails. Certains personnages existent bel et bien, et je n'ai même pas modifié leur prénom.<br /> A bientôt.
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