J'étais en train de lire dans ma chambre lorsque
J'étais en train de lire dans ma chambre
lorsque la sonnette retentit. À cette heure-ci, je me dis que ce ne
pouvait être qu'Yvon.
"Laurent ! C'est pour toi !"
Je descendis les escaliers, intrigué. Nicolas se tenait devant la porte, l'air un peu embarrassé.
"Rentre..."
Ma mère s'écarta pour le laisser entrer.
"Quelque chose ne va pas ?
- Non pas du tout, je venais juste te rendre visite, mais si je te dérange, je peux repartir...
- Non non, pas de problème...".
Nicolas
me suivit dans les escaliers. Une fois dans ma chambre, je l'invitai à
s'asseoir sur mon fauteuil de bureau ou sur mon lit. Il s'assit sur ce
dernier et ne bougea plus. Son front perlait de fines gouttes de
transpiration. La chaleur était encore étouffante à cette heure avancée
de la soirée.
"Tu veux boire quelque chose ?
- Je veux bien, oui.
- Je reviens."
Je
me rendis à la cuisine et passai devant le salon. Ma mère me jeta un
regard interrogateur auquel je répondis par un haussement d'épaules et
une moue tout aussi sceptiques.
Mon père était rentré. Je le voyais
très rarement depuis quelques jours. Je me couchais et me levais tôt,
et souvent nous ne faisions que nous croiser. Je lui fis une bise
rapide avant de remonter avec deux verres de Coca.
Nicolas n'avait pas bougé de mon lit. Toujours assis, le dos bien droit, il semblait m'attendre sagement.
Je lui tendis son verre, dont il but avec application une longue gorgée.
"Qu'est-ce qui t'amène ici ?
- Oh, rien de spécial, je voulais juste venir te voir. Savoir un peu où tu habitais.
- Ben voilà... rien de palpitant, tu vois !"
Il sourit.
"J'aime bien savoir où vivent les gens."
Je mis un peu de musique.
"Alors comme ça, vous connaissez mon oncle Yvon, ta mère et toi ?
-
Oh oui, on le connaît bien, oui. C'est grâce à lui que j'ai été
embauché à la verrerie. Maman commençait à râler parce que je ne
travaillais pas.
- Qu'est-ce que tu faisais avant ?
- Rien, j'aidais maman au jardin et donnais à manger aux bêtes. Elle me disait toujours qu'il fallait que je travaille.
- T'es pas allé à l'école ?
-
J'ai arrêté quand papa est mort. De toute façon j'étais nul. J'ai
quitté en seconde. Le psychologue a dit à maman que ça servait à rien
de me forcer à continuer. J'ai cherché des patrons qui pouvaient me
prendre mais personne voulait de moi. Pourtant je suis pas un flemmard,
je sais travailler.
- Je sais, j'ai bien vu à l'usine !"
Il eut à nouveau un sourire gêné.
"Tu sais... je suis au courant... pour Olivier..."
Mon cœur se serra.
"Au courant de quoi ?
-
Ben... qu'il s'est suicidé... que vous... que tu le connaissais...
bien. Il habitait pas loin de chez moi. Tu dois être triste."
Je ne
savais que répondre, partagé entre la surprise, une certaine vague de
tristesse mais aussi une sourde colère face à cet inconnu qui se
permettait de me parler ainsi sans savoir... sans savoir quoi, au juste
?
Il me sembla soudain que Nicolas aurait peut-être des choses à
m'apprendre sur Olivier, mais cette perspective m'effrayait. J'avais
réussi avec peine à assimiler sa disparition et à me forger une raison,
ou plutôt une absence de raison, ce n'était pas pour qu'un inconnu
vienne retourner la terre et mettre à jour des choses qui peut-être me
pousseraient à reprendre à zéro mon travail de deuil.
Et puis sans
doute avais-je trop d'imagination et Nicolas voulait-il simplement me présenter ses
condoléances...
"Ça ne te dérange pas si on parle d'autre chose ?"