Nous quittâmes le restaurant peu après une heure
Nous quittâmes le restaurant peu après
une heure du matin. Chacun ayant offert une tournée aux autres, nous
avions bu quatre verres d'un mystérieux digestif que le patron servait
toujours en prenant bien soin de masquer la bouteille.
L'air frais
nous revigora et nous devisâmes joyeusement sur le chemin de la
discothèque. Matthieu marchait à mes côtés et me prit la main au bout
de quelques pas. Je trouvai son geste parfaitement naturel et n'y
décelai pas la moindre ambiguïté. Il était à l'image de la soirée que
nous passions ensemble : simple et chaleureux. Je souriais bêtement et
m'en rendais bien compte, mais ne pouvait ôter de ma bouche ce signe
révélateur de mon humeur. Les cafés du centre ville étaient en majorité
déjà fermés, et les rues s'étaient vidées de leurs troupes de passants.
Nous ne croisions que des silhouettes isolées, et la voix de José
résonnait dans la nuit ; il chantait, et j'étais ébahi de le découvrir
ainsi. Sa voix était claire et posée, très juste et très caressante.
Nous l'écoutions sans un mot. Une voix dans mon oreille, une main dans
la mienne et l'esprit dans les nuages, j'étais bien.
Le vigile
de la discothèque nous accueillit lui aussi avec un grand sourire et
nous ouvrit immédiatement la porte. Une soudaine bouffée d'obscurité,
de musique et de chaleur enfumée me sauta au visage, et il me fallut
quelques secondes avant de m'habituer à ce soudain changement
d'univers. Nous nous dirigeâmes lentement vers le bar, nous arrêtant
régulièrement pour attendre le patron du restaurant, qui semblait
connaître toute la clientèle du lieu et distribuait des bises à tour de
bras. La foule était moins dense que la fois précédente. Nous trouvâmes
deux tabourets libres devant le comptoir, sur lesquels Matthieu et moi
nous assîmes, José et le patron debout à nos côtés.
Je commandai
quatre verrres de Gin-Tonic et sortis ma carte de crédit mais fus
interrompu dans mon geste par une main posée sur mon bras.
"Laisse ça, Laurent. Je vous invite."
Sous mon regard effaré, Nicolas tendit un billet au serveur de la discothèque.