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Quartier proche
21 juin 2005

Ces mots me firent étrangement un effet moindre

Ces mots me firent étrangement un effet moindre que ceux qui avaient précédé. Des mots simples, posés là en toute franchise et sans fausse émotion, que ma mère avait peut-être répétés des milliers de fois pendant toutes ces longues années.
« Quand j'ai su que j'attendais un enfant, j'ai tout de suite compris… et est-ce une erreur de ma part ou non, mais j'en ai tout de suite parlé à Yvon.
Ton père et moi avions prévu de nous marier. Personne dans la famille n'était encore au courant de ma grossesse, et nous avons donc décidé de fixer le mariage au plus vite. Un mois après la cérémonie, j'ai ainsi pu annoncer à toute la famille que j'attendais un enfant. Inutile de te dire que tout le monde était ravi… »
Une soudaine lueur d'inquiétude éclaira le regard de ma mère.
« Laurent, je ne suis pas en train de te dire que je ne te désirais pas, ne me comprends pas mal. J'étais simplement perdue et ne savais pas comment agir. Yvon et moi avions évidemment décidé de garder le secret. Nous ne nous fréquentions plus que lorsque nous y étions obligés, pour les réunions de famille. »

Je me levai nerveusement et regardai la pendule du salon, par pur réflexe. Il était près de dix-huit heures. J'allumai une cigarette et tournai en rond dans le fond de la pièce. J'étais épuisé, vidé. Mon cerveau fonctionnait à plein régime mais semblait ne broyer que du vide.

« Tu veux qu'on s'arrête là ? Je comprends que ça fasse beaucoup pour toi d'un coup…
- Papa… papa n'est pas au courant, je suppose ? »
Ce mot, cette appellation m'apparut soudain dans toute son absurdité. Je me fis alors la remarque que ma mère, pendant tout son discours, avait toujours dit « ton père » en parlant de celui qui m'avait élevé.

« Si, il est au courant, depuis quelques années maintenant. Une sale histoire. Bien sûr, il vaut mieux que ce soit ainsi, mais tout ne s'est pas passé comme j'aurais préféré que cela se passe. Ce qui me chagrine le plus, c'est qu'il ne l'ait pas appris de ma bouche, ni même de celle d'Yvon… »

Je ressentis soudain une sorte de saturation. Je ne voulais pas en entendre davantage. Pas tout de suite.
« Maman, ne m'en veux pas, mais est-ce qu'on pourrait reprendre demain ?
- Bien sûr, bien sûr… tu sais le principal, maintenant… je souhaite simplement une chose, c'est que tu ne m'en veuilles pas trop. »
Je ne lui répondis pas. Je ne trouvais rien à lui dire, ne comprenant pas moi-même les sentiments contraires qui m'habitaient. Il me fallait sortir, changer d'air, prendre du recul pour essayer de comprendre un peu mieux la portée de ces paroles.

« Ça t'ennuie si je m'en vais ? J'ai besoin de prendre l'air, je pense que je vais aller chez Matthieu.
- C'est normal, Laurent. Va. On en reparlera demain si tu veux. »

Je montai dans ma chambre pour prévenir Matthieu de mon arrivée.
J'éprouvais de la peine à laisser ma mère seule alors qu'elle se trouvait sans doute elle aussi dans un état difficile. Elle m'assura une fois de plus que tout irait bien, dans un sourire dont la tristesse me transperça le cœur. Je l'embrassai sans un mot, me retenant pour ne pas pleurer dans ses bras.


Ma première larme coula plus loin, sur la route, alors que le soleil commençait à décliner.


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Commentaires
P
J'ai vu, moi boîte à nimèl a fait bip bip :)
F
T'ai envoyé un nimèl :)
P
Peut-être que tes lecteurs professionnels sont de pauvres étudiants martyrs ?
F
gné ?
P
Ens'a"ignant ???
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