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Quartier proche
7 juillet 2005

Le ciel s'était couvert. Dehors, de lourds nuages

Le ciel s'était couvert. Dehors, de lourds nuages gris faisaient tomber sur la campagne un crépuscule prématuré. J'étais las, désireux d'en finir.

« Tu vois de qui je veux parler, je suppose…
Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé entre eux, je crois que personne ne le saura jamais vraiment. D'après tout ce que j'ai pu entendre, Yvon avait déjà une liaison avec cette femme avant qu'elle ne soit veuve. Très vite, des rumeurs ont circulé et certains ont raconté que c'était lui qui avait tué son mari. Je n'en crois pas un mot, mais le fait est qu'Yvon était devenu assez suspect aux yeux de tout le village… ce qui ne l'a pas empêché d'aller s'installer chez elle. Nicolas est devenu très instable, très violent… il était partagé entre l'amitié qu'il portait à Yvon, et que ce dernier entretenait par des promesses que bien évidemment il n'a jamais tenues, et la douleur causée par la mort de son père et la suspicion qui planait sur Yvon. »

J'avais la sensation qu'une toile d'araignée était en train de se tisser sous mes yeux, sur mon corps, partout autour de moi, sur le village, les champs alentour. Abasourdi par cet invraisemblable scénario, je ne pouvais qu'écouter ma mère parler et parler encore, certainement libérée d'un poids qui n'avait fait que s'alourdir au fil des années. Je me sentais pris au piège, un piège gluant et glauque aux relents putrides.

« Un an plus tard, alors que ton père et moi ignorions tout de cette histoire, Yvon a quitté la mère de Nicolas. Il est parti s'installer en ville, dans son appartement. Je ne sais pas… les crasses… les… saloperies qu'il a pu faire à cette femme, ou les promesses en l'air, je ne sais pas… tout ce que je sais, c'est qu'il l'avait mise au courant, pour toi… il lui avait parlé de toi… et un jour où tu n'étais pas là, elle est arrivée ici en furie et a tout déballé. »

Je revis la mère de Nicolas, cette femme forte qui sentait la transpiration dans sa blouse élimée. Je me demandai avec stupeur ce qu'Yvon avait bien pu faire avec elle, en quoi il avait bien pu abuser d'elle… de l'argent, sans doute ?

« Bien sûr, ton père n'en a pas cru un mot sur le moment. Il l'a poliment renvoyée chez elle en lui demandant de se calmer. Et puis le doute s'est installé. »

Une lourde pluie commençait de s'abattre sur la maison. Ainsi, mon père n'avait appris la vérité que récemment, puisque les événements que me relatait ma mère dataient de trois ans à peine. J'avais quinze ans alors, quatorze peut-être.

« Alors un jour, on a parlé. Il m'a fait part de ses doutes, et je n'ai rien nié. Tu ne peux pas t'imaginer comme cela a été difficile… les mois qui ont suivi, en particulier, où nous avions d'interminables discussions, des nuits entières. Ton père a été exemplaire. Malgré le choc de la découverte, malgré la colère qu'il a éprouvée, et quoi de plus normal, il était hors de question pour lui de remettre en cause les années qu'il avait passées à t'élever et à t'aimer comme son fils. Lui et moi avons décidé de ne rien te dire. Nous voulions te protéger… et puis Yvon a encore tout gâché… »

Je devinais la suite sans trop de peine. C'est à cette époque qu'Yvon avait rencontré la jeune femme qui lui avait donné son fils, Mathieu. Puis elle était partie, et les ennuis financiers avaient commencé pour lui. Je comprenais maintenant les innombrables visites de mon oncle à la maison, la mauvaise humeur de mon père et sa sévérité à son égard… et les discussions que je surprenais entre ma mère et mon oncle dans la cuisine…

« Yvon menaçait simplement de te dire la vérité si ton père ne lui prêtait pas d'argent. »

Je ne pus m'empêcher de me rappeler les rares fois où, enfant, Yvon m'avait consacré quelques heures pour jouer avec moi, lors de réunions de famille. Ce jeune homme, que je considérais comme un cousin, et qui des années plus tard m'était apparu comme un gamin immature et irresponsable mais pour lequel j'avais toujours de l'affection… j'étais le fils de ce lâche qui m'avait utilisé pour extorquer de l'argent à mon père… je n'en revenais pas.

« Tu comprends maintenant, il t'a fait entrer à l'usine comme pour se faire pardonner, tout comme il l'avait fait pour Nicolas… je savais que j'aurais dû lui dire non. »

Il faisait presque nuit. En plein après-midi, et la pluie battait, battait. Il me semblait entendre la voix de Nicolas qui criait dans le lointain.

« Petit bâtard ! »


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Commentaires
F
OK, merci !
C
Salut Farf,<br /> je t'ai écrit un autre message, je crois que j'ai un probleme de connection, en fin, bref. <br /> Pour répondre à ta question, j'ai dit non. <br /> Au plaisir de te lire.<br /> A+
F
Au risque de te "décevoir"... bien que la majorité des faits énoncés ici soient réels, ce n'est pas de mon histoire qu'il s'agit... je ne me prononcerai donc pas.
C
Émouvant...<br /> Si c'était à refaire, t'aurais aimé découvrir la vérité ou pas ?
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