Une rentrée
Nous étions à peine rentrés dans la salle que j’aperçus José. Je me précipitai vers lui pour m’asseoir à ses côtés. Il me serra la main avec un grand sourire, apparemment soulagé lui aussi que nous soyons à nouveau dans la même classe. Depuis mon entrée au lycée, deux ans auparavant, nous étions devenus inséparables pendant les heures de cours. Étrangement, nous ne nous voyions jamais hors de ces moments-là, et ignorions presque tout l'un de l'autre. Nous ne partagions que des instants de bavardages et de fous rires, sur un mode étrange qui semblait nous isoler des autres camarades. Mais une fois dans la cour du lycée, nous ne nous connaissions plus. Chacun d'entre nous avait ses amis, et s'il nous arrivait de nous y saluer, nous restions deux étrangers. Je ne voyais jamais José hors du lycée, et les rares fois où je l’avais croisé par hasard, nous n’avions jamais su que nous dire, alors que nous parlions tant et tant pendant les cours. Cela nous avait valu de nombreuses expulsions ou de gentilles remontrances, nos enseignants se montrant toujours plus amusés par notre complicité qu’agacés par l’agitation que nous transmettions souvent au reste de la classe. Nos camarades nous appréciaient aussi pour cela et nous imaginaient inséparables dans notre vie hors du lycée, alors que c’était loin d’être le cas.
« Ça va ?
- Et toi ? »
Les premières heures étaient toujours ainsi, très peu loquaces finalement. Il nous fallait chaque année reprendre le rythme des cours avant de pouvoir nous lancer à nouveau dans des conversations sans fin et des rires incontrôlés.
Cette année de terminale s’annonçait
plutôt, bien. Les épreuves anticipées de français de l'année précédente
m'avaient donné des points d'avance pour le bac, et même si j'avais un peu relâché
mon rythme de travail, je restais dans le peloton de tête. José était moins régulier
dans son travail, et peinait à maintenir ses notes au-dessus de la moyenne.
Mes parents se montraient
très satisfaits de ma scolarité, m’incitant à faire de mon mieux. Ils me
faisaient part de leur déception lorsque je ramenais des notes moins
brillantes, mais ne me réprimandaient jamais.