J'enfourchai mon vélo pour reprendre la route
J'enfourchai mon vélo pour reprendre la route écrasée de soleil.
Arrivé
à la maison, déserte à cette heure de la journée, je pris une longue
douche et montai dans ma chambre pour m'allonger un instant. Fenêtre et
volet fermés pour essayer de maintenir un peu de fraîcheur. Le soleil
filtrait à travers les interstices du volet roulant. Face à moi,
au-dessus de mon bureau, une feuille accrochée au mur attira mon
attention. C'était un dessin. Très schématique, il représentait des
hommes attachés devant une sorte d'écran de cinéma, avec derrière eux
des silhouettes en mouvement. La caverne de Platon. Je m'endormis et
rêvai de flammes dansantes, de grottes sombres et de prisonniers
aveugles.
Je me réveillai en fin d'après-midi. Ma mère était
rentrée du travail et s'affairait à la cuisine. Je descendis lui dire
bonjour.
"Alors, comment ça s'est passé ?
- Bien, bien... c'est fatiguant comme travail, assez stressant, mais ça va. Je tiendrai bien deux mois.
- Tu pourras remercier Yvon en tout cas.
- Tiens, je l'ai croisé justement."
Étrangement,
mon père n'avait pas l'air très enthousiasmé par mon travail. Il
semblait assez gêné, pour ne pas dire irrité, par le fait que ce fût
Yvon qui m'ait trouvé un poste. Il me l'avait fait comprendre à
demi-mot lorsque je le lui avais annoncé, me disant qu'il aurait
préféré que je trouve du travail par un autre moyen.
J'ignorais alors ce qui motivait réellement ses réticences.