Je fis donc connaissance avec la mère de Nicolas.
Je fis donc connaissance avec la mère de
Nicolas. Très forte, cette femme, dont on devinait dès le premier regard
qu'elle devait avoir un caractère affirmé, me sembla d'emblée être
le portait type de la mère couveuse et possessive.
Elle
transpirait
à grosses gouttes mais n'avait pas l'air de vouloir retirer le gilet
qu'elle portait sur ce qui semblait être une blouse de travail, comme
celle
que portait ma grand-mère des années auparavant.
Elle embrassa Nicolas sans se préoccuper de moi.
"Maman, c'est Laurent, un collègue de travail. On peut le ramener chez lui avec son vélo ?"
Elle se tourna vers moi.
"Bien sûr. Où il habite le p'tit père ?"
Le
trajet était court, dix minutes tout au plus. Assis à l'arrière, je
tenais d'une main mon vélo couché dans le coffre pour ne pas qu'il
brinquebale dans tous les sens. J'avais faim et chaud. Le sol de la
voiture était jonché de vieux papiers d'emballage et de miettes, et la
banquette était couverte de poils, probablement de chien ou de chat.
Devant moi, la nuque de Nicolas perlait de sueur. Personne ne parlait.
Arrivée
dans notre village, la voiture ralentit et la mère de Nicolas suivit
mes indications. Je fus surpris de voir que ma mère était déjà là, dans
la cour. Elle tourna les yeux au bruit du moteur. Nous stoppâmes devant
elle, et je perçus dans son regard une surprise certaine, mêlée à une
sorte de colère contenue que je ne saurais définir.
La mère de Nicolas se tourna vers moi.
"Y s'rait pas l'neveu d'Yvon des fois ?
- Si... pourquoi ? Vous le connaissez ?
- Tu parles si j'le connais ! Allez, terminus ! J'ai des bêtes à nourrir, moi !"
Je la remerciai vaguement, saluai Nicolas et descendis de voiture pour récupérer mon vélo dans le coffre.
Elle redémarra aussitôt et disparut à l'angle de la rue.
Ma mère était rentrée dans la maison.