Nous étions assis face à face dans le salon
Nous étions assis face à face dans le salon plongé dans la pénombre.
Je
buvais moi aussi une bière fraîche et observais mon oncle. Son physique
était plutôt agréable : un corps fin et musclé, des yeux noirs et
brillants, un visage finement dessiné, avenant et sympathique. Quand
j'étais plus jeune, celui que je considérais comme mon cousin m'avait
troublé plus d'une fois. J'avais été incapable à l'époque de mettre des
mots sur ce que je ressentais parfois en sa présence, mais je crois
pouvoir dire qu'Yvon avait été mon premier amour rêvé, sublimé. Et
malgré les nombreux reproches que je pouvais désormais lui faire,
malgré mon agacement, j'étais toujours très attaché à lui.
"Tes parents vont bien ?
- Oui, mais tu les vois assez souvent, non ?
- Oui oui... mais toi, je te vois rarement. Ça se passe bien ?
- Quoi donc ? Le boulot ? Oui, très bien.
- Non, je te parle de la maison, tes parents, tout ça...
- Ben, oui, ça va, oui. Si c'est d'Olivier que tu veux parler, ça va mieux."
J'ignorais
où il voulait en venir, et je n'osai pas lui parler de notre futur
déménagement, ne sachant pas si mes parents lui en avaient fait part.
"Et toi, où tu en es avec Mathieu ?
- Il grandit, il grandit... c'est sa mère qui a obtenu la garde. Je suis dégoûté.
- Merde... Tu pourras le voir régulièrement, quand même ?"
Sans
le lui dire, je trouvais raisonnable la décision de justice qui avait
été prise. Yvon m'avait toujours semblé incapable d'assumer seul l'éducation d'un enfant.
" Tu sais, j'ai plus grand monde autour de moi. Toi tu es là..."
Ses yeux commençaient à s'embuer. J'étais très gêné.
"Moi
?... Et mon père, qu'est-ce que tu en fais ? Je sais bien que c'est un
peu tendu entre vous, mais tu peux quand même compter sur lui !
- Ton père ?
- Oui, mon père. Ton frère, si tu préfères !"
Yvon vida sa bouteille d'une traîte et se leva brutalement.
"Faut que j'y aille. Bye Laurent. Prends soin de toi."