Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Quartier proche
6 juin 2005

Ce que j'aimais, après tout, c'était peut-être

Ce que j'aimais, après tout, c'était peut-être plus cette nouvelle possibilité qui s'ouvrait à moi que la satisfaction que j'en retirerais effectivement. J'aimais ce que Matthieu représentait à cet instant précis où rien n'était défini entre lui et moi : justement le fait de devoir le découvrir et de savoir que, peut-être, je pourrais l'aimer. C'était cette éventualité qui me poussait à avancer. Tout était possible.

Ce dimanche passa trop rapidement. Matthieu avait téléphoné chez lui pour prévenir de son absence. Je ne lui posai pas de question sur la personne qui avait décroché. Un père, une mère, un amant peut-être, je ne souhaitais pas encore le savoir. Nous partîmes après le déjeuner, traversant les champs pour rejoindre le canal. L'automne encore lointain laissait pourtant poindre sa fraîcheur et l'air légèrement humide se débarrassait peu à peu de sa lourdeur estivale.
Côte à côte, nous marchions dans les hautes herbes, sans un mot entre la maison et le bord du canal.
"C'est qui ce Nicolas avec qui tu t'es battu hier ?
- Un gars qui travaille à l'usine avec moi. Un mec un peu tordu. Il habite dans le bled à côté.
- Tu le connais bien ?
- Pas vraiment, non. Ça fait un peu plus d'un mois qu'on bosse ensemble. Mais j'ai l'impression que lui me connaît, qu'il me suit, qu'il me cherche. Il me fait un peu peur, pour tout te dire.
- Tu savais qu'il était homo ? Qu'il sortait dans cette boîte ?
- Non, ça m'a vraiment surpris hier soir. Il est vraiment imprévisible, il peut être adorable et devenir tout d'un coup la méchanceté incarnée... enfin, plus qu'un mois à tenir. Comme il travaille en poste, je ne le reverrai que trois matinées, normalement. On verra bien.
- Et qu'est-ce que tu fais à la rentrée ?"
Je m'arrêtai et lâchai la main de Matthieu. J'avais oublié.
"Je pars dans le sud avec mes parents. On quitte la région."
Une légère brise balaya les hautes herbes, dessinant des vagues autour de nous. Je repris la main de Matthieu et nous poursuivîmes notre chemin sans un mot.

Publicité
Commentaires
Archives
Publicité
Publicité