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Quartier proche
10 juin 2005

Je fus frappé par le bruit assourdissant qui

Je fus frappé par le bruit assourdissant qui régnait dans l'atelier, bien plus que les autres jours me semblait-il. Je vérifiai rapidement la présence de mes protections et me rendis à mon poste. Nicolas leva la tête et je pus apercevoir un pansement sur son nez. Son regard noir perça le mien et il baissa à nouveau les yeux.
Je pris ma place et commençai à trier les bouteilles qui arrivaient. La chaleur était étouffante. La tête vide, je répétais à nouveau ces gestes mécaniques sans même essayer de penser à autre chose. C'était le meilleur moyen de faire passer au plus vite cette matinée de travail.


Je n'attendais plus rien de la part de Nicolas ; même si je pouvais éprouver une certaine curiosité quant au motif de son comportement, je m'étais résolu à ne m'expliquer ce dernier que par un déséquilibre affectif qui le rendait particulièrement instable. Ce garçon faisait désormais partie des personnes à éviter, et la fin de mon contrat dans cette usine signerait la disparition pure et simple de Nicolas dans ma vie. Bien sûr, j'étais enclin à l'écouter si toutefois il devait venir vers moi pour s'expliquer ou s'excuser, mais je me refusais à faire le premier geste et étais persuadé que, quoi qu'il en soit, il ne le ferait pas non plus.

Pourtant, au moment où je m'apprêtais à reprendre mon vélo sur le parking, sa grosse voix si mal assurée retentit derrière moi. J'en eus presque des frissons.
Nicolas se tenait debout, les bras le long du corps, se balançant d'une jambe sur l'autre. Il avait dû courir pour me rattraper, et des gouttes de sueur perlaient sur son front, roulant vers son pansement.
"Laurent, je voulais te dire... excuse-moi pour samedi soir...
- C'est pas grave, j'ai déjà oublié."
J'enfourchai mon vélo, Nicolas ne bougeait pas mais son regard trahit sa pensée : "Ne pars pas", semblait-il hurler intérieurement.
"Tu sais, je... je t'aime bien, vraiment."
Je décidai de le laisser parler, afin de voir jusqu'où il était capable d'aller.

"Je te veux que du bien, tu sais... je veux... je veux te protéger. Je sais que je suis maladroit, on me l'a déjà dit... mais je pensais que tu m'aimais bien, aussi... enfin, voilà, excuse-moi, je veux pas te faire de mal. Moi, on m'en a fait du mal, à maman aussi, et je veux pas en faire aux autres. Mais les gens sont méchants, tu sais... moi je veux pas que les gens te fassent du mal..."

Nicolas transpirait à grosses gouttes. Son regard était rivé au sol, et le balancement de son corps sur ses jambes, d'un côté à l'autre, se faisait de plus en plus insistant.
"J'aime pas que tu fasses ce que tu fais quand tu sors... j'aime pas savoir que tu... tu sais que tu peux rencontrer des gens méchants, des gens qui te veulent du mal... moi je veux ton bien. Je veux pas que tu... que tu te fasses avoir, que tu fasses des bêtises que tu pourrais regretter..."

Je ne savais que penser de ce discours décousu. J'avais chaud moi aussi, et je souhaitais rentrer à la maison. Une voiture passa près de nous et donna un bref coup de klaxon. C'était Yvon, qui nous fit un signe de la main et disparut sur la route.
"Tu vois, quand je te parle des gens qui font du mal... regarde un peu autour de toi... et méfie-toi des apparences... de tes soi-disant amis, de ta famille, de tes parents... il faut faire confiance à personne dans la vie."

Un peu plus loin, devant la grille du parking, la mère de Nicolas s'impatientait. Elle donna un long coup d'avertisseur et Nicolas sembla se ressaisir tout à coup.
"Il faut que j'y aille... réfléchis bien et regarde bien autour de toi. C'est pas aussi bien que tu le crois. Parles-en à ta mère, elle t'expliquera peut-être."
Il tourna les talons et partit en courant, me laissant seul au milieu du parking désormais désert.

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Commentaires
K
Le roman prend forme, les relations humaines, un sujet complexe et infini...
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