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Quartier proche
30 mars 2005

Un premier amour

Sous ma fenêtre, dans la cour, un petit débarras permettait à Olivier de me rejoindre sans avoir à traverser la maison. Mes parents le connaissaient, mais je préférais qu'il n'ait pas à sonner et à discuter avec eux à chacune de ses venues, bien plus nombreuses que ce que mes parents n'auraient pu croire. Puis j'aimais bien entretenir cet aspect secret de nos rencontres, comme on les voit au cinéma.

La relation que j'entretenais avec Olivier était clairement amoureuse. Nous nous étions rencontrés au lycée au début de l'année précédente, par l'intermédiaire de José qui me l'avait brièvement présenté entre deux cours. Nous avions alors pris l'habitude de nous serrer la main à chaque fois que nous nous croisions dans la cour du lycée, et d'échanger quelques mots. Rapidement, nous nous vîmes hors du lycée jusqu'à un jour de juin où il vint chez moi alors que mes parents étaient absents pour l'après-midi.
Jusque là, notre timidité nous avait poussés à conserver l'un vis-à-vis de l'autre une attitude de camaraderie réservée ; nous partagions nos goûts pour le cinéma ou la musique ou échangions nos impressions de lecture en toute innocence. Au fond de moi, j'avais bien idée de quelque chose de plus charnel, même si ce mot ne m'aurait pas effleuré l'esprit à ce moment-là. Je commençais à me rendre compte que l'affection que je portais à Olivier, de par son exclusivité et de par la  possessivité qu'elle faisait naître en moi, relevait plus d'un sentiment amoureux qu'amical. Le désir physique était lui aussi devenu une évidence que je refusais désormais de continuer à nier.

Cet après-midi de juin, donc, Olivier vint chez moi pour la première fois. Je lui fis rapidement visiter la maison, et nous montâmes dans ma chambre après un bref passage à la cuisine. Nos sacs de cours jetés par terre, je mis un disque de PJ Harvey, dont je savais qu'il l'adorait lui aussi.

"Assieds-toi, fais comme chez toi."

Il s'assit contre mon lit, à même le sol, et commença à feuilleter une revue qui traînait par terre. Je m'assis à côté de lui et posai nos deux verres devant nous.
Le soleil de ce début d'été s'infiltrait par les volets mi-clos.
Nous ne parlions pas, chacun dans ses pensées. Je crus bon de saisir ce moment pour faire part à Olivier de mes sentiments à son égard.
Jamais il ne m'avait été plus difficile de vaincre ma timidité. L'instant pourtant si bref qui précéda ma prise de parole me sembla durer une éternité. Mon ventre était vide, happé, aspiré. Puis les mots vinrent soudain, comme un flot.
Et je passai en l'espace de quelques secondes de la plus terrifiante angoisse à une satisfaction et une légèreté inespérées. La réaction d'Olivier me serait presque devenue égale, tant j'étais soulagé de lui avoir parlé.
Pour toute réponse, il mit sa main dans la mienne. Nous restâmes ainsi un moment, apaisés. La musique s'était achevée sans que nous ayons remarqué quoi que ce soit. Puis je me tournai vers lui et ne pus m'empêcher de le prendre dans mes bras pour l'embrasser.
Incroyable sentiment que celui, non pas du premier baiser, mais du premier câlin (Dieu que je n'aime pas ce mot tellement enfantin)... ce refuge du corps de l'autre, ce refuge de ses bras et de son affection.

Par la suite, Olivier avait donc commencé à venir régulièrement à la maison. Mes parents le prenaient pour un simple camarade de lycée. Au lycée, justement, nous restions plutôt discrets, continuant de nous serrer la main. Mais à chaque fois, son regard me faisait brûler.

Ce soir de septembre, donc, trois mois après cette après-midi de juin, Olivier frappa à ma fenêtre alors que mes parents mangeaient dans la cuisine, me croyant occupé à lire.

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