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Quartier proche
29 avril 2005

Nicolas

"Comment tu t'appelles ?"
C'est ainsi que Nicolas m'avait abordé. Ou plutôt, c'est ainsi qu'il avait essayé d'engager la conversation.
J'ignore combien de fois il avait dû prononcer cette question avant que je ne réagisse.
Croyant avoir entendu une voix au milieu du vacarme régnant, je levai rapidement les yeux et me rendis compte que le jeune homme qui travaillait en face de moi me parlait. Je fronçai les sourcils pour lui faire comprendre que je ne l'entendais pas. Sous son casque, ses yeux me scrutaient avec attention, et il continuait d'accomplir son travail avec une évidente habitude. Quant à moi, je dus baisser le regard aussitôt pour poursuivre le mien.
Durant tout le reste de la matinée, je levai régulièrement les yeux et à chaque fois, son regard était posé sur moi. Il semblait protecteur plus que curieux, attentionné plus que malsain, et j'éprouvais à chaque fois une étrange sensation qui me poussait à immédiatement me concentrer sur mon travail pour me ressaisir.

"Comment tu t'appelles ?"
Je ne compris la question qu'une fois hors de l'atelier, après avoir retiré les bouchons de mes oreilles, alors que nous marchions vers le parking.
"Laurent.
- Tu travailles ici depuis quand ?
- Début juillet, deux semaines à peu près. Je suis toujours de matinée.
- Ah, c'est pour ça que je ne t'avais jamais vu. Moi c'est Nicolas."
Sa silhouette ne m'était pas inconnue. Peut-être avait-il étudié dans le même lycée que moi. Il semblait un peu plus âgé, de deux ou trois ans environ.
"Bon, ben mon vélo est là. À demain ?
- Oui, à demain, je fais encore deux matinées avec toi, puis je passe à l'équipe d'après-midi."
J'enfourchai mon vélo et m'éloignai rapidement, sans même savoir comment Nicolas repartait chez lui.

Arrivé à la maison, je pris ma douche fraîche, désormais une habitude après deux semaines de travail.
Le fait d'occuper ainsi mes journées m'apportait un contentement tout à fait contradictoire ; lorsque je travaillais, je ne pensais absolument plus à rien et ne pouvais me concentrer que sur mes gestes, devenus presque des réflexes mécaniques. Une fois à la maison, la fatigue physique intense qui m'enveloppait m'empêchait d'entreprendre toute activité physique, et seule la lecture pouvait encore occuper mon esprit. Je me sentais d'un côté complètement apathique et coupé du monde, mais de l'autre, mon imagination et ma sensibilité avaient rarement été exacerbées à ce point par mes nombreuses et voraces lectures. Ces dispositions, à mon grand étonnement, m'empêchaient de penser trop souvent à Olivier, comme je l'avais craint au début de l'été. Et lorsque je pensais à lui, c'était plus avec tendresse qu'avec douleur. Il m'accompagnait plus qu'il ne me hantait.
Même s'il avait laissé béant le trou du pourquoi, cette question que je n'osais pas aborder.

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