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Quartier proche
21 mai 2005

J'aperçus effectivement, à l'orée du village,

J'aperçus effectivement, à l'orée du village, cette modeste fermette de brique rouge, comme une dernière borne avant l'horizon infini des champs. Je savais que si je bifurquais vers la droite, je devrais passer devant la maison où habitait certainement encore la mère d'Olivier. Je continuai donc sur ma lancée et m'approchai de la ferme.
Les volets étaient fermés sur la plupart des fenêtres. La cour était presque déserte, seules quelques poules en parsemaient le pavé.
Nicolas et sa mère devaient être en train de manger, certainement. Je déposai mon vélo contre un fourré voisin et me rapprochai encore. La lourde grille métallique rouillée était entrouverte. Au fond, le bâtiment qui devait servir de logement était flanqué de deux imposantes bâtisses décaties. Je pénétrai prudemment dans la cour, et une forte odeur de purin vint agresser mes narines. L'un des deux bâtiments latéraux abritait au moins deux chevaux, et quelques lointains bêlements de mouton me parvenaient à intervalles réguliers.

Je rebroussai soudainement chemin et sortis rapidement pour rejoindre mon vélo. Je n'aimais pas ce silence, cette ambiance pesante et menaçante. J'avais toujours eu une peur irraisonnée des fermes et des animaux, depuis tout petit. Je me baissai pour ramasser mon vélo, l'enfourchai et fis demi-tour au milieu de la route pour repartir dans le sens opposé, ne souhaitant pas traverser le village. Une voiture arrivait au loin, face à moi. Craignant de voir arriver Nicolas et sa mère, je refis demi-tour et me dirigeai vers le village.

Je n'y étais pas revenu depuis la disparition d'Olivier. Je le traversai rapidement et pris soin de regarder droit devant moi en passant devant sa maison. La chaleur était écrasante, le silence étonnant.

Je franchis à toute vitesse les derniers champs qui me séparaient de chez mes parents.
Une fois arrivé, je montai les escaliers quatre à quatre et posai un disque sur la platine de ma chambre, puis montai le volume au maximum pour pouvoir l'entendre depuis la salle de bain. Je me déshabillai rapidement et me précipitai sous la douche. Laissant l'eau fraîche dégouliner sur ma tête, je calculai le nombre de semaines qui me séparaient de la rentrée, puis de notre départ. À peine cinq semaines.
Il me tardait de partir pour laisser derrière moi cette longue année sombre et éprouvante.
Alors que je me séchais, je me regardai dans le miroir. J'avais vieilli. Depuis cette rentrée de septembre où j'avais serré la main de José comme les années précédentes, j'avais appris, j'avais compris certaines choses qui ne me concernaient pas jusque là. J'avais appris la peur et la douleur, puis le combat quotidien que j'avais à livrer.
La musique me parvenait toujours de ma chambre et donnait à mes gestes quotidiens un aspect inattendu, comme un cérémonial. J'explorai longuement mon corps dans la glace. J'avais maigri. Mon cou aux veines saillantes. Mes épaules tombantes. Mon torse maigre aux côtes légèrement apparentes. En dessous, mon ventre dont le bas dessinait ces lignes fines qui convergeaient vers mon pubis. Mon sexe flasque et mes cuisses droites campées sur des mollets rendus saillants par mes innombrables trajets à vélo. Et mes longs bras ballants qui pendaient sur les côtés. Mes cheveux avaient poussé, soulignant la maigreur de mon visage. Je scrutai ce dernier en m'approchant de la grande glace. Je fus frappé d'y reconnaître les traits de mon père. Troublante impression pour moi qui n'avais jamais porté la moindre attention à ce type de détails et qui reconnaissais soudain sur mon propre visage les traits de celui qui m'avait donné la vie.

Je sursautai et ne pus m'empêcher de pousser un petit cri lorsque une silhouette se profila derrière moi dans le reflet du miroir.

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Commentaires
Z
...j'ai toujours pensé que la campagne était truffée d'endroits dangereux !....
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