L'apaisement était palpable. Toute la tension de
L'apaisement était palpable. Toute la
tension de la nuit était soudain retombée, envolée, presque oubliée. Je
goûtais avec joie les délices de la légèreté, le sourire aux lèvres en
rentrant à la maison. Nous nous reverrions très certainement, Matthieu
m'ayant laissé son numéro de téléphone.
Je rejoins mes parents au
salon. Je les avais finalement peu vus depuis le début de l'été, et je
crus bon de me joindre à eux pour le début de la soirée.
Ma mère me sourit.
"Il a l'air gentil, ce garçon. C'est un copain du lycée ?
- Non, c'est un ami de José. Il était en boîte avec nous hier soir et... enfin... il savait pas où dormir...
- Mais oui, mais oui... vous vous êtes bien amusés, au moins ?
- Oui, c'était sympa. On n'est pas rentrés très tard...
- Nicolas a encore appelé hier soir, tu sais. Il voulait savoir où tu étais...
- Qu'est-ce que tu lui as dit ?
- Que je n'en savais rien."
Mon père leva les yeux de son livre. Le regard de ma mère se durcit.
"Et... qu'est-ce qu'il t'a répondu ?"
Elle avala sa salive et se pinça les lèvres.
"Il...
s'est emporté... a commencé à crier, comme quoi j'étais forcément au
courant de l'endroit où tu te trouvais, que je n'avais pas à 'faire
l'inoccente' comme je le faisais...
- Il est fou...
- Je lui ai
dit de se taire, qu'il n'avait pas à parler comme ça... et là ça a été
un flot d'insultes. J'ai mis le haut-parleur pour que papa entende."
Mon père acquiesça d'un air grave.
"Je lui ai raccroché au nez, il a essayé de rappeler juste après. J'ai dû débrancher le téléphone."
Je
n'en revenais pas. Je me levai et allai chercher une bouteille de bière
à la cuisine. Mon père se servait un nouveau verre de Whisky.
"En fait, je l'ai vu hier soir en boîte...
- Je ne lui ai pas dit où tu étais, Laurent, je t'assure.
-
Je te crois, je te crois. Ce type est capable de tout, apparemment...
pour tout vous dire, je me suis battu avec lui cette nuit."
La stupéfaction de mes parents me fit sourire.
"Ne
vous inquiétez pas, je l'ai vite calmé... je me suis moi-même étonné,
d'ailleurs. Mais je n'aime pas qu'on me traîte de bâtard comme ça, sans
raison. Il m'a vraiment énervé."
Ma mère baissa les yeux.
La
nuit tombait et le salon était désormais plongé dans l'obscurité. Le
vent s'engouffrait par la fenêtre ouverte, je me levai pour la
refermer et allumer une lampe.
"Je peux fumer ?"
Étrangement,
je me sentais soudain comme libéré d'un poids vis-à-vis de mes parents.
Encore quelques semaines auparavant, je n'aurais jamais osé leur parler
ainsi aussi librement, fumant et buvant devant et avec eux comme tout
autre adulte l'aurait fait. Comme si le lien qui nous unissait était
subitement devenu plus lâche, ou plus transparent. Comme si en parlant,
je m'affranchissais peu à peu.
"Laurent, il faudrait que tu arrêtes de le voir.
-
Je te rappelle que je travaille avec lui, mais ne t'en fais pas, on a
plus que trois matinées en commun d'ici la fin de mon contrat. Tu
penses bien qu'il ne va pas m'agresser en pleine usine. Et j'aimerais
bien savoir ce qu'il me veut."